Hundwil (AR) > Auf der Hundwiler Hoehe

15 August 15 Uhr
Duo mit Reto Suhner

Hundwiler Hoehe

De très loin les gens de la région  observent à la jumelle le sommet de la Hunwiller Hoehe. Quand  le drapeau suisse est en berne, c’est que l’âme du lieu Marlies Schoch est à Locarno au Festival. Le reste de l’année elle est là-haut dans son auberge de montagne.  

Le retour de la grande dame

Le jour de notre arrivée le drapeau était en berne  puis, en fin de journée alors que notre concert se terminait- on l’a hissé.  Quand on avait fini de plier le matériel Reto m’a dit : je vais te présenter La dame (die Dame ). Pas Madame Schoch ni Marlies, non LA dame. Assis  dans la salle à manger du restaurant Marlies Schoch a pris le temps. Le temps de savoir qui elle avait en face d’elle. Pourquoi ce projet transhumance. Je lui parle de moi , de mes origines paysannes et appenzelloises. Ca l’intéresse. Yeux dans les yeux.. Puis les visites se sont succédées, le  cueilleur de myrtilles 74 ans et une pêche d’enfer, un couple d’amis , deux paysans du coin : tous attendaient son retour et à chacun elle réservait un accueil royal. Aussi à sa chienne rottweiler Alexia même si cette dernière était jalouse de devoir partager sa maîtresse après une si longue absence avec tous ces inconnus.

Une évidence s’imposait l’air de rien : on se rendait   à la Hundwiller Hoehe comme en pèlerinage. Rien de mystique , ni de dogmatique : Marlies Schoch était une personnalité naturellement exceptionnelle 


Là-bas c’était hier et aujourd’hui je suis de retour chez moi  à Genève. C’est dimanche soir 20h45. Je décide de descendre acheter des clopes : il va m’en falloir pour rédiger ce billet. Pour trouver le ton juste : ne pas dénaturer la magie de cette rencontre.

En bas de chez moi, on m’alpague : T’as une clope ? Pensive et un peu surprise, je reconnais quelqu’un. Non, mais j’allais justement en acheter.Je suis vers le menhir ajoute t-il. Le menhir se situe dans  la zone d’ombre de mon quartier :  l’ilôt 13.  Au tabac de la gare, je demande  si c’est encore ouvert ? L’employé qui termine sa  grosse journée me sourit. Je m’excuse de la bêtise de ma question. Puis je  ne sais pas quelles cigarettes lui demander.Je termine par lui dire : il y a les conducteurs du dimanche et les fumeurs du dimanche. Je réfléchis . Plus je réfléchis à ce billet que j’écris, plus une évidence s’impose : une petite voix  trotte dans ma tête. Elle me dit cette dame est une grande dame et  cette rencontre va laisser des traces. Leçons de vie. Comme avec Monsieur Jean. Je passe vers le menhir pour donner la cigarette promise . J’entends une voix . « Ouais j’suis là »Je ne vois personne.T’es ou ? Je ne vois toujours personne. « Ouais j’suis là derrière le menhir » Contre  le menhir il y a  comme un épouvantail fait d’habits soigneusement disposés Bizarre.La voix vient d’ailleurs  Je m’approche . Sa tête sort  du buisson  de verdure qui fait face au menhir. Il est là couché à terre tappi, presque nu.   Moi : qu’est ce que tu fous là ?  je lui tends deux cigarettes Lui :(doucement) j’essaie juste de t’expliquer quelque chose,… ( l’air grave) Y a des zombies qui passent , c’est la guerre !

Pas très rassurée je lui dis tout en continuant ma route calmement  : je ne regarde pas de films d’horreur c’est pour ça que je ne crois pas aux zombies. 

Des personnes comme lui, la grande dame en a soigné. Beaucoup. Elle n’a pas eu d’enfants : pas trouvé la bonne personne « car dans notre société les femmes se retrouvent à tout faire » et pas ressenti le besoin «  j’ai beaucoup d’amis , je me sens  bien ainsi »  Marlies Schoch est la mère de tous. Après avoir été l’institutrice d’en bas et avoir fait la route à pied chaque jour jusqu’au village, elle continue du haut de sa montagne de s’occuper des déshérités, des laissés pour compte. Y travaillent des jeunes en rupture ou ayant eu de graves problèmes  de dépendance. Des moins jeunes aux blessures jamais cicatrisées : la perte d’un enfant… « Avant on laissait la nature suivre son cours et si on perdait un enfant sur  six, c’était normal, le destin. Maintenant on en perds un et on  ne s’en remets jamais. » Culpabilité.

Avec chacun de nous elle s’assure que out va bien que nous ne manquons de rien. Elle prends le temps de questionner , d’écouter.Elle demande  par exemple à Masaki s’il est coréen ou japonais : bonne question réponds t’il. Même pour nous c’est difficile de savoir : il n’y a que la langue  qui nous permette de nous situer. Elle a habité deux ans au Maroc, elle a failli y rester : les gens sont tellement gentils. Elle est aussi  allée à New-York , au  Japon. Elle adore le Japon. Maintenant elle voyage à Locarno Elle a besoin de se retrouver entourée de beaucoup de monde  pendant un temps donné, pour  savourer pleinement le fait de se retrouver ensuite tout  reste de l’année sur sa montagne.

Elle savait que le café schnaps de Christian serait de trop après le vin, le jambon à l’os et les myrtilles à la crème et l’empêcherait de bien dormir . Elle n’a rien dit, mais juste glissé au petit déjeuner  les yeux pétillants « je pars du principe que quand on a passé 20 ans, on sait ce genre de choses. »

B Graf  dimanche 16 août 2009 22h37 
 

Les myrtilles à la crème se méritent.