20 minutes du 28 janvier 2008 | Béatrice Graf, locomotive suisse de l'improvisation.pdf
Tribune de Genève du Jeudi 23 février 2006 | Béatrice Graf, batteuse de la démesure.pdf
L'illustré du 22 février 2006 | Béatrice Graf: j'essaie de faire le plus avec le moins.pdf
BEATRICE GRAF, A L'ASSAUT DES PEAUX
Portrait. La batteure genevoise débarque en concert et en disques. Sur un instrument de garçon.
Arnaud Robert,
Le Temps, vendredi 7 décembre 2007
Une cave sous l'Ilot 13. Elle vit à demi ici, dans cet atelier souterrain, voûté, encombré, au creux d'un quartier de Genève dont les loyers ne prennent pas l'ascenseur mais l'escalier. Béatrice Graf, sur sa batterie en kit - un set qui tient en une valise -, passe à tabac des boîtes de conserve et des tambours en peau d'Afrique. Elle collecte ce qui lui passe sous la pulpe, des colis postaux qu'elle gratte sévère, des tuyaux, une table d'écolier brésilien avec piano désaccordé. Elle rosse le monde depuis son cagibi, souvent sans baguette. «Je suis une batteure. Parce que batteuse, ça fait trop outillage agricole.» Quand Béatrice tournicote ses yeux de cachemire, on sait que le coup n'est pas loin.
Une petite légende de la scène suisse. Quelqu'un qu'on voit lorsque les projets ont de la gueule. Elle a inventé le concept Intercity, où des musiciens de différents cantons qui se connaissent sans se rencontrer finissent par improviser ensemble. «C'est aberrant, un si petit pays qui éloigne tant ses créateurs.» Graf grignote la Sarine. Depuis toujours, elle joue avec des ensembles zurichois, enregistre pour des labels allemands et se coltine les trains européens, avec juste ce qu'il faut dans sa malle pour ne pas se dévisser le dos. Le quotidien du jazzeur sur le Vieux Continent. Avec ceci de particulier, au tout départ, qu'elle s'est choisi un instrument de garçon. Maman la voulait accordéoniste, puis universitaire. Elle a fini à 16 ans par dévisager de trop près les rockeurs qui répétaient dans un local de la ferme familiale.
Enfant de paysan, oui, dans la prairie nyonnaise, celle d'avant l'épidémie immobilière. Orpheline de père, aussi, très tôt, trois sœurs et un petit frère qui se retrouvent à assurer le quotidien d'un domaine. «Nous étions des filles qui faisions un travail d'homme. J'enfilais mes habits d'écurie avant l'école. J'avais donc besoin d'un exutoire.» Béatrice se glisse dans les couloirs tout juste peints de l'AMR, à Genève, qui offre des cours d'instrument à qui ne craint pas de turbiner. Elle n'a pas le choix. Le soupçon est là, dans les yeux de ses collègues qui n'imaginent pas qu'une femme en jazz puisse s'autoriser d'autres conquêtes que le chant. «Je me souviens d'un stage, en Italie, avec l'Américain Peter Erskine. Les autres batteurs me dévisageaient. J'ai levé la main. Et je me suis lancée.» C'est son style. Ne pas se défiler. Elle qui, à 43 ans, mène tambour battu sa vie de mère (deux mômes), de productrice et d'artisan sonore.
«C'est une course de fond.» Celle du musicien en Suisse. Qui gère le service et l'après-vente. Béatrice Graf concocte des spectacles, se rapproche de l'art contemporain, elle devient de moins en moins batteure pour être femme-geste, dotée d'outils improbables. En janvier, elle dansera sur la scène de l'Arsenic. D'ici là, elle rameute sa valise dans le sillage d'une chanteuse, Hélène Corini, sous le nom parfait de 2 Ailes, dans une mise en scène de Dominique Ziegler. «On manipule des textes, on frotte, j'ouvre mon champ.» Cent projets, dont le quartette de femmes Four Roses et la plate-forme Quartier Lointain, où elle affine ses contorsions. Quand Béatrice s'assied sur son tabouret d'un pied, elle a des airs de boulangère qui malaxe, des poses de sculpteur. Pas un jeu féminin, mais tellurique. Son rythme a des accélérations cardiaques, des mystères et des pudeurs qui trahissent un certain génie de la faille. «Quand tu joues du jazz, même si je suis rock aussi, et que tu es une femme, tu portes le poids de la moitié de la planète. Alors, il est tentant d'en rajouter une couche.»
Elle élague, en réalité. Les batteurs qu'elle admire, même si elle n'a jamais couru les kiosques pour marchander Drum Magazine, sont tous des sortes de peintres. Jack DeJohnette qui lui a fait des compliments. «Il m'a dit: tu as l'esprit. Comme je ne parle pas l'anglais, je n'ai su lui répondre que you too, vous aussi. La honte.» Et puis Han Bennink, un frappadingue poète de Hollande, qui démonte ses fûts au milieu des concerts. Des batteurs qui sont partis, comme elle, du plus vieil instrument du monde pour en retourner à des lieux très intimes.
En concert. Avec 2 Ailes. Ve 7 décembre, 20h30. Théâtre de l'Echandole, Yverdon-les-Bains. http://www.2ailes.ch En disques. Avec Peter Schaerli Special Sextet, «Hot Peace» (Enja); 2 Ailes (Altri Suoni); Quartier Lointain, «Right Next Door» (Unit).
© Le Temps, 2007 . Droits de reproduction et de diffusion réservés.
BEATRICE GRAF. TAMBOUR BATTANT
Roderic Mounir,
Le Courrier, Culture MUSIQUE, samedi 17 Mars 2007
Qu'elle milite pour la culture ou manie les baguettes dans les groupes
2 Ailes, Four Roses et Quartier Lointain, la Genevoise est déterminée.
Rendez-vous rue des Gares, à l'Ilôt 13, ancien bastion squatté et coopérative d'habitation emblématique du compromis genevois entre autorités et milieux alternatifs. Nous avons rendez-vous avec Béatrice Graf, habitante historique des lieux (depuis plus de vingt ans) et figure connue de la scène jazz/rock locale. Quatre étages anciens sans ascenseur, la musicienne nous attend sur le palier. Visite des lieux, spacieux, lumineux, bohème juste ce qu'il faut. Avec une pièce remplie de jouets, séparée, Béatrice Graf vit avec ses deux enfants de 5 et 7 ans.
Celle qui dit vivre «au moins trois vies en même temps»: maman, musicienne aimant la fête, militante pour la culture et une multitude d'autres causes, admet se disperser facilement. On la jurerait organisée, pourtant, laptop posé sur l'épaisse table en bois du living et agenda bien rempli: les assemblées de la culture genevoise en péril, auxquelles elle essaie d'assister (c'est le feuilleton de cette fin d'hiver à Genève), les concerts qu'elle donne en ce moment dans les cycles d'orientation un peu partout en Suisse, et les répétitions avec ses multiples groupes... combien déjà?
ORIGINES PAYSANNES
Il y a 2 Ailes, duo jazz/world expérimental avec la chanteuse Hélène Corini, et Quartier Lointain, trio de «fusion progressive» avec le pianiste Michel Wintsch et le bassiste-guitariste Cyril Moulas (et divers invités). Ces formations viennent chacune de publier leurs CD (1). On y retrouve la frappe experte et plurielle, tantôt aérienne, tantôt robuste, de la batteuse ? pardon, batteure: «Je préfère, parce que batteuse, ça fait un peu... moissonneuse.»
Musicienne accomplie au caractère bien trempé, Béatrice Graf revendique ses origines paysannes. Franchise, persévérance, vertus du travail. A Nyon, où elle a vu le jour en 1964, elle a perdu son père très tôt: «Il a fallu apprendre à bosser, s'occuper des champs, conduire un tracteur, être polyvalente.» Maturité classique, licence en sciences économiques et sociales à l'Université de Genève. Sa mère l'encourage à gagner sa vie, mais entre-temps, le virus de la musique l'a gagné: ado, elle avait tâté des fûts chez le groupe auquel sa mère prêtait un local, dans la ferme familiale. Et au début des années 1980, dans une cité calviniste en plein dégel, elle fréquente assidûment l'AMR et les concerts rock, punk, industriel sans distinction. A Lausanne, le Centre autonome puis la Dolce Vita sont en pleine effervescence.
LA MOITIé DE LA PLANÈTE
Pas de temps à perdre: premier groupe, premiers concerts, et une tournée avec le groupe de filles «Chin-Chin» qui la mène jusqu'à Londres. Curieuse et ouverte d'esprit, Béatrice Graf s'illustre dans un registre musclé avec des groupes comme Scumbag et Easy, tout en travaillant le jazz et la composition. En 1991, à la fin d'un stage donné par le batteur new-yorkais Peter Erskine à Ravenne, en Italie, arrive le moment de rejoindre le maître. Des dizaines de mains se lèvent, elle prend son courage à deux mains. «C'è una ragazza qui» ? il y a une fille ici ?, lance quelqu'un. Liquéfiée, elle se donne à fond et assure devant un parterre de quatre-vingt batteurs. «Le stress n'était pas qu'individuel, je portais le poids de la moitié de la planète», se souvient Béatrice Graf. L'expérience lui vaudra les compliments d'Erskine et un gain d'assurance.
Pas facile, donc, de s'imposer dans un milieu macho et compétitif. Surtout quand on joue d'un instrument considéré comme clairement masculin. La batteure a tout entendu: «Si tu frappes ton mec comme ta batterie...», «Hé! pas mal pour une fille...» Elle ne compte plus les musiciennes qui ont laissé tomber, à cause de la pression sociale. Mais peu lui en chaut: elle a intégré le sextet réputé de Peter Schärli et Glenn Ferris (2), formé les Four Roses avec Florence Melnotte, Florence Chitacumbi et Karoline Höfler. Les deux ensembles se produisent sur tous les continents. Elle a créé le réseau «Intercity» qui développe l'improvisation interrégionale, animé des workshops en quatre langues à Francfort, La Paz et Pretoria, s'est mise au washboard (la planche à laver des musiciens cajuns), à l'électronique, au chant, et a récemment bricolé une batterie-valise de bric et de broc. Des boîtes de conserve, bidons, casseroles et objets récupérés «pour aller jouer dehors, parce que je n'ai plus l'âge de m'enfermer sous terre, sans la lumière du jour. Dorénavant, j'allège, pour ne pas aggraver mon acouphène et à cause des maux de dos, à force de trimballer mon kit...»
SALTIMBANQUE SPORTIVE
Bref, pas de quoi souffler. «Les choses n'arrivent pas cuites dans le bec», résume Béatrice Graf, pour qui la musique oblige à être à la fois saltimbanque et sportif de pointe, mais aussi à consacrer des heures à l'administration et au réseautage. Elle voit d'ailleurs beaucoup de ses congénères «se précariser, à la limite du SDF», faute d'organisation et de protection. Voilà pourquoi le Syndicat Musical Suisse, dont elle est membre active, veut instaurer des chartes éthiques entre partenaires de la branche. Malheureusement, le vent souffle plutôt en sens contraire: uniformisation de la pensée, offensive contre la culture (notamment sous la pression de l'UDC) et tendance de plus en plus «interventionniste» des organismes de subvention, comme Pro Helvetia, qui privilégient les «marchés prioritaires» au détriment des zones non solvables de la planète. En clair, pour être aidé, un artiste suisse a davantage intérêt à monter sa tournée ou son expo en Europe, aux Etats-Unis ou au Japon, qu'en Afrique ou en Amérique latine. Pour vivre de sa musique, Béatrice Graf doit parfois «cachetonner» avec des groupes de vieux jazz, ce qui l'a un jour amenée à jouer sur l'autre rive du lac... au congrès de l'UMP, entre les discours de Villepin et Sarkozy! «C'est instructif, ça nourrit la réflexion», commente la musicienne, qui consigne régulièrement ses pensées et coups de gueule dans son ordinateur. Pour les publier ? peut-être un jour ? et, d'ici là, contribuer au film que lui consacrera la Tessinoise Alessandra Müller, auteure de «Donde està Sara Gomez?», sur la première réalisatrice noire cubaine.
Note : (1) 2 Ailes, 2007, CD Altri Suoni/Phonag. Quartier Lointain, Right Next Door, 2006, CD Unit Records. (2) Peter Schärli Special Sextet, Hot Peace, 2006, CD Enja/Musikvertrieb.
RSR1, Devine qui vient dîner, vendredi 04 mai 2007: Batterie sans frontières
Batteure, plutôt que batteuse, militante, Béatrice Graf est une figure de la scène jazz-rock genevoise.
Son invitée, la réalisatrice indépendante Alessandra Müller, lui consacre un long métrage documentaire.
Issue d'une famille paysanne, Béatrice Graf passe son enfance au bord du lac Léman, étudie en parallèle la géographie et la musique, à laquelle elle se consacre exclusivement dès 1992. Diplômée en batterie jazz du Conservatoire populaire de musique de Genève, elle a joué dans de multiples formations de styles très différents.
Elle compose également et développe des projets aux instrumentations parfois atypiques. Peu sensible aux frontières de styles, elle passe du solo au sextet, de l?instant composing à l?écriture, du swing au hard core, de l?acoustique à l?électronique... travaillant avec des artistes issus du jazz, du rock, des musiques du monde, de l?électro, du multimédia, du théâtre?
Un de ses derniers projets est son tandem avec Hélène Corini, 2Ailes : "Un travail rythmique faussement sobre, très précis et maîtrisé. Une virtuosité non étalée, juste au service de la musique : un curieux mélange de jazz, de world music avec des touches de rock et d?électro, bien assumé et très rafraîchissant. Un travail admirable, joyeux et plein d?originalité" (Franz Treichler, Young Gods).
Béatrice Graf a choisi d?inviter Alessandra Müller, réalisatrice indépendante, qui a notamment travaillé avec Peter Greenaway. Auteure de documentaires, fictions, films expérimentaux et productions pour la télévision, la RTSI notamment, elle est en train de réaliser un long métrage documentaire sur Béatrice Graf, "Le temps et le mouvement".
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2Ailes, Hélène Corini, Béatrice Graf (
Altrisuoni, 2007)
2Ailes s?est produit dans différents festivals, notamment au Woma Jazz à Salsomaggiore Terme en Italie : des
extraits de leur concert sur arcoiris.tv
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Béatrice Graf fait par ailleurs partie (liste non exhaustive !) des ensembles
Four Roses, Quartier Lointain,
Beat & Lip, elle est également membre du comité
SMS, Syndicat Musical Suisse
Die pfiffige Genferin Béatrice Graf ( Schlagzeug, Keyboards) kann frei improvisieren, verschmäht aber auch die einfache Melodie nicht und befasst sich mit Drum’n’Bass. …Unbekümmerte Soundbasteleien wescheln sich ab mit musikalischen Geschichten, die von schier folklorischen Grooves und Samples zusammen gehalten werden. Jürg Solothurnmann ,Radio Magazin. Dec. 2003
Drummer Beatrice Graf unleashes a tidal wavw of controlled percussion. Larry Nai Cadence Magazine January 2002, USA. Stimulating, sensual play-fun combined with catching drive and rhythmic intensity. Drummer Béatrice Graf accompanies the others with engagement, sensitivity and capacity of feeling. She sets strong beats with her short, hard accents in a rhythmic flow that gives the whole performance more suspense and tension. Hörbar, das Schweizer Jazz-Magazin, Nr. 7, Sept./Okt. 97
...Wunderbar, wie Drummerin Béatrice Graf die Ideen der Pianistin aufnahm, Konterparts lieferte, wild auf dem Rand der Toms wirbelte und geheimnisvolle Geräusche auf dem leicht malträtierten Becken lieferte.... ...Ein unvergessliches Konzert“... Oltner Tagblatt, Silvano Gerosa 25.02. 2002 Fremdes und vertrautes Das trio Wintsch/Graf/Vonlanthen hat mit einer frischen Mischung von vertrauten und fremden Klängen begeistert. Den Genfer Wenn die Höhenflüge von Wintsch und Vonlanthen die Stratosphere erreichen, übernimmt Beatrice Graf, die magistrale Schlagzeugerin, das Kommando und bringt uns alle sicher auf die Erde zurück. Sie bestimmt den groove, hält den Puls , bringt unaufdringlich Ordnung ins drohende Kreativkaos. Und das allee ohne negative Wirkung fürs Trommelfell des Zuhörers. Alle drei setzen auch ihre Stimme ein, Wintsch produziert sich als eine Art Steptänzer im Sitzen, Graf benützt ein Spielzuegmegafon , Vonlanthen eine Sitzungsglocke. Jacques Rohner, Der Landbote. 20.01.2003 Splendida conclusione, l’altra sera al Ristorante “La Meridiana” di Balerna, dello Swiss Actual Jazz Festival “A qualcuno piace…Jazz Altrettanto positiva la prestazione delle “Four Roses”, un ensemble tutto al femminile, dotato di una verve eccezionale. Anima del gruppo, e valida compositrice, è la batterista Béatrice Graf, dotata di uno spiccato senso ritmico nonché di delicate sonorità. Alberto Cim, La Provincia, 30/ 04/ 02
Béatrice Graf tiene mucha sensibilidad en la baterìa, con fuertes « beats » con acentos duros, que le dan mucha tensiòn y suspenso a la presentaciòn. Las cuatro tocan de una manera refrescante, mostrando la felicidad que hay en la mùsica. Teatro Libre . Bogota ,2004
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